Quand je me suis lancé dans cette traversée de la France à VTT-gravel, je pensais faire ça à 2 (même si le règlement pose le principe de la solitude) avec Jojo. Mais il a ré-orienté son projet pour 2018 et est allé se balader en Espagne début juillet avec les copains.
C'est donc seul que je me suis rendu à Bray-Dunes dans le Département du Nord. La canicule est annoncée mais je me dis que dans l'ch'nord ça ne doit pas vouloir dire la même chose que dans le sud.
Pour faciliter mon organisation pré course, je décide finalement de partir dans la seconde vague (ce fut une erreur). Du coup, j'arrive le samedi après avoir bouclé la première épreuve : les transports parisiens avec un sac de transport de vélo.
J'avoue ne pas être trop serein car je n'arrive pas à imaginer le contenu et la difficulté de ces 2200km de VTT-gravel. Combien de kilomètres par jour vais-je faire ? Où et comment vais-je dormir ? Serais-je réellement seul tout au long de l'épreuve ? Bref, je ne sais pas trop dans quelle aventure je viens de me lancer.
En sortant de la gare à Dunkerque, je remonte mon vélo et file à l'accueil de la course pour récupérer mes affaires.
Le briefing en franglais est clair : « vous serez seuls et ce n'est pas la peine de chercher à nous joindre en cas de soucis. On n'est pas là pour ça ! ». Dans cette seconde vague, visiblement, il y a une majorité de cadors et ça ne rigole pas trop. A peine le briefing terminé, tout le monde repart.
J1 – Départ de la seconde vague au lever de soleil
Je suis au bout de la jetée parmi la cinquantaine de coureurs et me demande vraiment ce que je fais là. J'ai probablement le vélo le plus chargé. Certains sont vraiment équipés très très léger.
A 6h24, c'est le départ derrière la 2CV. On file à toute allure sur des routes et chemins plats, vraiment très plat à plus de 25km/h de moyenne sur les deux premières heures.
Au bout d'une heure, je comprends qu'on a passé la frontière belge quand j'entends les gens parler mais que je ne comprends pas le « bloubiboulga » local. Au fil de la journée, la chaleur est de plus en plus présente. Je cherche désespérément à me ravitailler en eau quand enfin je trouve une autochtone qui se fait un plaisir de me ravitailler. J'ai l'impression de ne pas avancer mais je me fais régulièrement doubler par les mêmes coureurs. Ils doivent s'arrêter régulièrement pour se ravitailler et se reposer. Je comprends vite que mon credo sera de rouler sans trop m’arrêter pour toujours avancer.
L'après-midi, on découvre les routes du Paris-Roubaix et ses fameuses sections pavées. Honnêtement, je tire mon chapeau aux cyclistes qui le font en vélo route. Les habitants sont sympas. Ils sont toujours prêts à nous ravitailler en eau et parfois aussi en alimentation. Il y en a même un qui m'a dit que celui qui refusait d'aider devrait « aller en enfer » !
Au détour d'une pause, je fais la rencontre des « vrais »habitants du Ch'nord. Vous voyez Bienvenue chez les ch'tis ? Eh ben, en réalité, ils ont « pires » que ça. Je ne comprenais pas ce qu'ils se disaient. Pas un mot...
Après près de 230km de vélo, j'avais envie de m'arrêter pour poser la tente et dormir. Je m'installe dans un pré à l'orée d'une forêt et je profite de cet arrêt pour me restaurer et dormir une bonne nuit.
J2
La deuxième journée sera bien plus difficile avec toujours la canicule mais aussi les Ardennes. Je dois dire que je n’en ai pas vraiment profité. Cette journée sera l’occasion de crever une première fois (satané tubeless!) mais aussi d’une rencontre ; celle de David qui m’accompagnera pendant 3 jours.
A Charleville-Mézières, au CP1, j’en profite pour récupérer un nouveau tracker et faire réparer mon tubeless pour la suite (merci David pour le conseil) et on installe notre bivouac sur les hauteurs de Charleville.
J3
Cette 3ème journée fut historique. Celle du centenaire de 14-18 avec la « visite » de Verdun. La faute à un cagnard hyper présent et à un parcours difficile, je ne profite pas vraiment du paysage.
Les cimetières commencent à être notre point de repère dans chaque village pour nous ravitailler en eau. On s’y arrête dès qu’on peut pour éviter de se retrouver à vide dans la pampa et on salue les habitants.
J4 – Objectif douche
Après l’orage de la nuit qui a failli nous faire terminer sous un arbre, on part avec l’objectif de s’arrêter au camping de la forêt d’Orient (interdite à bivouaquer et à traverser de nuit).
La matinée démarre par une descente de VTT technique où j’apprends à mes dépends que la descente avec un VTT chargé ce n’est pas pareil qu’avec un VTT pas chargé… surtout après l’es orages de la nuit. J’aurais une douleur aux côtes jusqu’à la fin de mon périple.La traversée de la Meuse et de la Marne n’est pas des plus passionnantes mais notre objectif du jour nous maintient en alerte et finalement nous l’atteignons vers 22h et prenons notre première douche. Ca, c’est bon pour le moral.
J5 – Journée champagne
Pas grand-chose d’intéressant pour cette journée avec la traversée des plateaux céréaliers de l’Aube avec un vent à décorner les bœufs (à priori des rafales à plus de 100km/h!).
Ah si, vers 10h, avec David on s’est perdu de vue sous l’orage alors qu’il partait chercher son nouveau GPS. J’ai donc commencé une longue portion seul contre la montre parce que le temps passe et l’arrivée à Mendionde dans les délais s’éloigne chaque jour un peu plus.
Mes journées sont rythmées (pour ne pas trouver le temps long) par le suivi de mon GPS heure par heure pour noter mon kilométrage et ma vitesse...
J6 – journée Morvan
La traversée du Morvan sera presque une formalité. Première journée de vrai plaisir avec enfin des chemins VTT.
La journée se termine par un déjantage de la roue avant. Déjantage qui me sera fatal pour la suite.
J7 -
La traversée de l’Allier (et donc le retour chez nous en Auvergne) se passe sans encombre jusqu’à Moulins où au moment de changer de section sur le GPS je m’aperçois qu’il me manque la trace suivante. Avec un peu de culot, je file chez un habitant qui me prête son ordinateur et je télécharge la trace. Après ce petit intermède, je repars à l’assaut du Sancy.
J8 – le Sancy
La journée a été belle (normal c’est le Sancy) mais très difficile avec les 4 ascensions du jour (1000m, 2 fois 1400m et 1200m). Le tracker m’a de nouveau abandonné et je suis de nouveau perdu sur le site de suivi de la course. J’arrive assez tard à La Bourboule. Aussi, je ne traîne pas trop car il reste une très grosse montée et je ne veux pas dormir dans la forêt.
Je trouve un camping à St Donat où je profite de la vogue… et de l’orage ! Je repars le lendemain bien humide.
J9
Cette journée sera celle de la route. Beaucoup de route. Et celle de l’orage de fin de journée. J’ai du me résigner à trouver tôt un abri pour dormir. Ca m’a permis de faire sécher mes vêtements.
J10
La journée commence bien ! Ma batterie tampon de la dynamo tombe en rade. Visiblement, elle n’a pas aimé l’orage. En démontant le boîtier, je me rends compte qu’elles ont doublé de volume. Conclusion : HS ! Je passe la journée à me demander comment je vais recharger le GPS sans m’arrêter 2 heures à chaque ravito. Et puis, je me décide à acheter une batterie additionnelle. Je la testerai le lendemain : un 15 août !
La journée est difficile sur les chemins de St Jacques où même pas chargé j’aurais été obligé de pousser le vélo… Normal c’est des chemins pédestres pas VTT !
Le soir, c’est comme un miracle qui m’arrive quand je trouve sur ma route un gîte pour pélerins du chemin de St Jacques de Compostelle où je peux me restaurer, me doucher… et dormir dans un vrai lit ! Je suis serein et recharge toutes les batteries.
J11 – km1690 : fin du périple
Sans le savoir, je pars pour ce qui sera le dernier jour de mon périple. Même si la nuit à été bonne et que je repars gonflé (sans jeu de mots) à bloc.
Au bout de 5kms, je crève. Je répare et 2 kms plus tard je re-crève. Je n’ai plus de chambre à air et je n’arrive pas à réparer car je ne trouve pas tous les trous (eh oui, quand on crève par pincement, c’est toujours plusieurs trous à chaque fois!!). Du coup, je décide de faire demi tour et de retourner au gîte pour demander à mes hôtes s’ils n’ont pas de quoi m’aider à remettre mon tubeless en service.
Après avoir fait le tour du village (à 7h du matin un 15 aout!), je trouve un vieux monsieur qui m’emmène voir si son fils à un embout presto pour son compresseur. Mais rien n’y fait, malgré tous les bricolages qu’on essaye, on ne trouve pas de solution. Un agriculteur essaye bien de m’aider mais c’est pareil. Rien ne fonctionne comme je veux. Le spectre de l’abandon me guette.
Au bout de longues minutes (2 heures en fait), contre l’avis de mes nouveaux amis, je me décide à appeler un taxi pour m’emmener à la gare de Cahors. De toutes façons, le CP3 aurait été fermé avec tout ce retard accumulé.
Un nouveau périple s’offre à moi : récupérer mes affaires à Bayonne avant de rentrer à la maison.
Mon trajet sera des plus rectilignes : Cahors/Toulouse-Toulouse/Bayonne-hôtel-Bayonne/Toulouse-Toulouse/Lyon-Lyon/Sainté ! Le tout en quasiment 18h de transport SNCF plus 1h30 de voiture pour rejoindre la maison car, bien entendu, c’est la semaine qu’avait choisi la SNCF pour supprimer les trains entre Lyon et St Etienne pour des travaux de maintenance (les bus ne prenant pas les vélos en soute!!)…
Bref, le vélo et la technique ont décidé pour moi. Je ne serai pas divider. Je suis déçu, mais pas abattu.
Je ne savais pas trop dans quelle aventure je me lançais. Et je dois dire que, avec un peu de recul, je ne regrette rien. Ce type d’épreuve n’est pas ce qui me fait triper :
- Je n’ai pas vraiment profité car toujours à essayer de courir après le temps perdu pour arriver dans les délais impartis.
- Le parcours trop difficile tracé comme un parcours de 60km avec les difficultés pour faire la différence entre les (très) bons et les moins bons en plus des 2200kms
- La solitude même si j’ai pu rouler 3 jours durant avec David
- la canicule
Malgré tout, j’ai beaucoup appris sur moi et les longs moments de solitude m’ont permis de faire une petite introspective.
Vivement novembre...
Actu Alex F