L’EXPÉRIENCE GRANDE TRAVERSÉE VOLCANIC -  195km / 5100md+n- finisher 37h44

  • Mercredi 17 mai 7h

Je suis dans le train affrété spécialement pour l'occasion en direction de la station de ski du Lioran. Je suis seul et je songe, voyant le paysage défiler, à la traversée qui m'attend. Je connais bien le parcours. Je l'ai parcouru par tronçons en vrai et surtout maintes fois dans ma tête. Je somnole, bercé par les mouvements et le bruit régulier des cliquetis des bougies sur les rails.

Plus tard, je croise des visages, les sourires sont tendus. Je discute avec Alex Béraud vainqueur de l'édition 2022 sur l'entraînement et la course. Concernant l'entraînement c'est trop tard mais de bons conseils pour la gestion de la course. Le train siffle, nous sommes arrivés en gare du Lioran.
9h30 Je retrouve Murielle qui va m'assister. Un petit café et on se prépare.
9h50 Chérie j'ai pas mes cartes !! Michel Damien je ne peux pas partir ? Vas-y tu prendras des cartes plus tard. De toutes façons j'ai le parcours sur mon téléphone.

Pour rappel la XGTV et une traversée de 224 km et 9000 m de dénivelé positif avec 5 bases de vie sans balisage. L’orga nous fourni un fichier GPX et un jeu de cartes et nous avons l’obligation d’avoir les deux sur nous.
10h Le départ est lancé sous le soleil mais avec du vent qui refroidit l'atmosphère. Il souffle tellement fort et en rafales que l'organisation ne nous a pas permis de faire le parcours initial. Nous partons donc sur le parcours de repli.

  • Première étape le Lioran -Col de Serre : 25km/1090md+

Pour passer le massif du Cantal nous passons par le Col du Gliziou pour la vallée de Mandailles. Je pars très lentement. Beaucoup me doublent mais je me concentre sur cette allure. Je passe Mandailles et attaque la montée vers le col du Redondet. Je reprends quelques places. Arrivé au col, le vent est terrible mais je prends de suite un single sous la route pour le Col du Pas de Peyrol. Je retrouve la route sous le col et pendant 500 m je suis littéralement poussé dans le dos. C'est impressionnant. Au col, je bascule dans la vallée de la Serre. Protégé du vent, le soleil réchauffe, c'est magnifique. J'arrive au col de Serre pour un rapide ravito, pointage de l'orga, recharge en eau et je repars.

  • Deuxième étape Col de Serre- Condat : 38km/651md+

Le GR nous fait monter le Puy de Niermont avant de basculer et traverser le plateau du Limon. Murielle m'accompagne sur quelques kilomètres. Jusqu'à présent je courais seul, focalisé sur cette allure de début de course, faible pour pouvoir tenir. Je reviens sur Jérôme Mignard finisher en 40 heures, sans décider nous partageons des kilomètres ensemble jusqu'aux abords de Condat. Le vent souffle toujours et de face, nous alternons marche et petit trot. L'allure me convient, je ne veux surtout pas dépasser les 10 km/h. Nous sommes rejoints par Didier Latreille finisher en 37 heures 28 qui accélère puis ralentit, pas très régulier. Puis nous sommes rejoint par un vieux briscard jurassien : Norbert Girard finisher en 34 heures 28. On fait tous connaissance. Norbert annonce fièrement qu’il a déjà à son actif 2 Tor des géants et surtout le Tor des glaciers (450km/32000md+). Nous arrivons tous les quatre à la base de vie de Condat à quelques minutes d'écart. Je suis assez frais. Je mange des lasagnes au saumon. Murielle s'occupe de mes jambes et de mon sac. Le chrono passe très vite il nous faut déjà repartir.

  • Troisième étape Condat-Picherande : 30km/850md+

La nuit tombe doucement, il fait très froid mais la montée après Condat me réchauffe vite. Je suis de nouveau seul. Il y a moins de lignes droites bitumées et je retrouve l'ambiance volcanique. J'arrive vers 22h à Egliseneuve d'Entraigues. Je n'ai plus d'eau, je toque à une porte pour en demander. Je reprends ma route, toujours seul. Le rythme est bon. Arrivé au lac Chauvet, je change de cap direction Picherande, je ne connais plus le tracé jusqu'à la Stèle. La nuit est noire et le vent souffle toujours mais plus de face. L'organisation a bien fait de continuer le parcours de repli. Ne plus connaître le parcours m'handicape, je n'ai plus de repères et je m'épuise. Le crochet pour accéder au ravito m'achève. Murielle a 30 minutes pour me remettre sur pied et il y a du boulot. Dans mon léger coma, un furtif moment de lucidité, je retrouve mes cartes ! Elles étaient dans un emplacement du sac inhabituel et avec ma mémoire de poisson rouge, j’avais zappé. Ouf !!! Murielle parvient à me faire manger et me masse avec du Synthol. Je repars en oubliant les douleurs pendant...un mètre et je me pose sur la première balustrade que je trouve à la sortie de la base de vie. Murielle m'encourage et me voit disparaître dans l'obscurité, inquiète.

  • Quatrième étape Picherande- le Mont-Dore : 30km/640md+

Les premiers km sont très durs, les quadris me font mal. Je croise deux blaireaux qui chassent et aperçois une frontale devant moi. Je ne force pas mais reprends doucement une allure de course à pied. Logiquement, je reprends le coureur devant moi : Meulan Clément finisher en 39h00. Il jardine souvent mais sa montre le remet sur le droit chemin. Nous devons être hyper vigileants car nous approchons de la Stèle et il y a beaucoup de chemins non tracés sur la carte. À partir de la Stèle, je connais : on emprunte le parcours du 60km du Sancy puis on laisse Chamablanc sur la gauche et je continue à serpenter sous les rochers de Bozat. Le jour se lève lentement et j’éteins ma frontale, un soulagement. Les Capucins en vue, dernière descente bien raide pour arriver à la base vie du Mont Dore. Il est 6h30, j’ai mis 5h sur cette étape. J’ai du mal à être content. Je me permets 10 minutes de sommeil en même temps que la kiné s’occupe de mes cuisses et mollets. Ensuite je mange un peu.

  • Cinquième étape le Mont Dore- Montlosier : 39km/1150md+

Je repars le couteau entre les dents. Chemin de Melquirose puis on longe la Dore jusqu’à la Bourboule, je trottine. La montée sur le Puy Gros se passe bien, mais un vent frais m’ accueille sur le sommet. Je mets ma veste. Plus loin, je m'aperçois que j’écoute de la musique en mono! M*** !J’ai perdu un écouteur. J’ai dû le faire tomber en mettant ma veste à la sortie du bois. Je décide donc de redescendre 100md- pour ne rien trouver car il était coincé dans mon buff. Allez je ne m'éternise pas, et repars car il fait vraiment froid.

La traversée du plateau sous le Puy Loup jusqu'au lac du Guery est terrible. Le vent souffle vraiment fort, je vois les nuages sur les crêtes du Sancy passer à une vitesse folle. Je suis bien ici finalement. Je retrouve Murielle au col du Guéry et nous partageons quelques km au dessus des roches Tuilière et Sanadoire. C’est cool ces moments car je cours seul depuis un bail. Je redescends sur le lac Cervières, il fait soleil, c’est beau et pour la première fois j’aperçois le Puy de Dôme. C’est loin ! Arrivée sur Pessade, je retrouve le vent de face, frais. Une équipe de 2 coureurs est à 200m. Je les perdrai vers Saulzet. C’est long et je n’arrive plus à relancer, je marche. Il n’y a plus de rythme, mes jambes sont en mode automatique et la tête ailleurs, j'en oublie même le parcours et me trompe à deux reprises. J’arrive au pied du Puy de Vichatel, une bosse de x6d+, en mode zombie. J'aperçois Murielle qui me dit que la base vie est à 5 minutes. J’ai du mal à la croire mais je la suis. Arrivée à la base de vie, on m’accueille chaleureusement. Murielle voit que je somnole et me propose (m'ordonne!) de m’allonger et dormir 10 minutes. Je me laisse faire accompagner par Valérie aux petits soins comme tous les bénévoles sur toutes les bases de vie. D’ailleurs cela fait déjà plusieurs heures que je me laisse faire. Les pâtes et lentilles me plaisent et j’attaque le coca. Après 30 minutes, Murielle me chasse car je serais bien resté au coin du feu.

  • Sixième et dernière étape Montlosier- Volvic : 35km/730md+

Je repars avec Norbert qui finira très fort. Il ne reste avec moi que quelques minutes puis reprend la course tandis que moi je reprends mon mode automatique. Cyril et Murielle viennent à ma rencontre sur Laschamps. Ils me trouvent en train de dormir debout tout en marchant. Je leur dis que je suis en mode automatique !!!! Ils font un bout de chemin avec moi. Le temps passe plus vite accompagné et cela me réveille un peu. Je me retrouve au pied de la dernière difficulté : un aller/retour au sommet du Puy de Dôme par le chemin des Muletiers. Murielle est à mes côtés pour cette ascension. Nous montons en mode randonneur. Arrivés au sommet nous devons faire le tour du Temple de Mercure. L’émotion me prend en voyant le chemin parcouru, heureusement Murielle me remobilise, il ne faut rien lâcher ce n'est pas fini. Nous nous séparons en bas de la descente et je repars seul direction Vulcania. Je ne change pas de rythme, toujours cette nonchalance. Je retrouve Murielle et Cyril à Vulcania, décidément ils ne me lâchent plus, c’est cool, j’en ai besoin. Ils doivent, je pense, voir que je suis pas très lucide mais n’osent pas le dire pour ne pas me faire peur ou me décourager un peu plus.

On se donne rendez-vous à l’arrivée. Je reprends ma route seul mais pas pour longtemps car je vois fondre un concurrent sur moi. Il s’agit de Kevin Raymond ( finisher en 37h37). On échange quelques mots : il me dit que depuis ce matin, il est bien, alors que moi c’est plutôt l’inverse. Puis il me salue gentiment en me disant plus que 9km. Quoi ? 9Km ? Je regarde ma montre et vois que je vais à 4 voire 5km/h ! Encore deux heures ? Ce n’est pas possible ! Et puis je vois la foulée rasante de Kevin s’éloigner doucement. Cela agit comme un électrochoc en moi, je me remets en mode course à pied, mi vexé et surtout avec l 'envie de finir et de ne pas y passer encore deux heures. Crispé au début puis plus souple, je ressens de la vitesse, le paysage défile plus vite, et je me surprends à être bien. Sans doute l’effet de l'adrénaline dû à un changement de rythme.

La nuit commence à tomber, je traverse la gare de Volvic et repense que nous avons pris le train, ici même, la veille ! Je retrouve Murielle et Cyril, qui ont bien galéré pour me trouver, mais l’essentiel c’est d’être là pour couper la ligne d’arrivée tant espérée en 37h44 !

Nous sommes jeudi 18 mai. Ma joie éclate, tout le monde est là pour m’accueillir. Je vois des visages heureux, pleins de fierté, des larmes coulent. Même ma fille a fait le déplacement ! Tout se relâche, c'est fini, je l'ai fait ! Merci à vous tous de m’avoir supporté de près ou de loin, de m’avoir suivi et de m’avoir lu jusqu’au bout.

Actu Olivier S